L’alliance entre auto-édition en ligne et impression à la demande, c’est rendre accessible à la fois des outils de conception numérique d’un livre et une plate-forme de fabrication et de diffusion mondiale. Un internaute habitant sur la Côte Est des Etats-Unis peut rendre accessible à tous son roman se déroulant dans son village natal des Cévennes. Un instituteur, se piquant d’histoire de sa région, peut en raconter les aléas dans un ouvrage disponible en quelques clics de l’autre coté de la Terre. Une association défendant la sauvegarde d’une langue locale peut publier et mettre à jour le travail de ses recherches : histoire, dictionnaire, études… C’est ainsi que l’on trouve notamment sur Lulu des ouvrages détaillant la langue navajo ou encore des ouvrages racontant les évolutions ethnographiques dans les îles polynésiennes. Cela n’intéresse probablement que quelques dizaines de personnes. Grâce à Lulu et consorts, ces ouvrages sont disponibles depuis n’importe quelle connexion internet dans le monde et ces personnes peuvent avoir accès aux ouvrages parlant de leurs centres d’intérêt.
Sans se concerter, les utilisateurs internautes confirment l’intuition remarquable des fondateurs de Lulu, comme nous en avions entendu parler par Bob Young lui-même en octobre dernier : il existe tout un espace éditorial qui n’est pas exploité par les éditeurs traditionnels qui ne demande qu’à exister et à s’exprimer, représentant des dizaines de milliers de livres. Ces ouvrages sont de la main de spécialistes, professionnels ou amateurs, qui ont tous avant tout pour finalité que leur œuvre soit disponible, sans avoir à se soucier d’un réseau de distribution, d’un plan commercial ou de toute autre considération. Un succès sur Lulu n’est pas un ouvrage vendu à des milliers d’exemplaires, c’est un ouvrage qui a trouvé son lectorat.
Quand Marshall McLuhan (théoricien de la communication) a développé sa théorie du Village Global, il craignait que les réseaux (sans les distinguer, Internet n’existait alors pas, à peine en ébauche) homogénéisent la culture, le traitement de l’information et que l’humanité à terme ne résulte sur une seule et même civilisation uniforme. C’est l’exact contraire qui se passe sur Lulu. Si les réseaux rétrécissent l’espace et le temps comme McLuhan l’avait imaginé, sur Lulu, c’est la diversité qui est encouragée, l’ancrage des ouvrages dans un espace géographique, culturelle, patrimonial ou communautaire. En particulier, les ouvrages traitant d’une région, d’une ville voir d’un hameau gagnent à être connu pour dynamiser l’édition de ces régions, villes et hameaux. Par exemple, écrire un roman policier dont une partie de l’intrigue se passe dans les rues du village où le livre sera ensuite mis en vente. Ce type de démarche, macro-locale, est toujours un point de départ fructueux et porteur. L’attachement local n’est pas un signe de repli sur soit ici, mais au contraire d’affirmation de son identité offerte à tous. Et il est bien connu que ce sont précisément les histoires locales à résonnance universelle qui ont le plus de chances de trouver un large auditoire…