Pour commencer, parlons d’un sujet qui peut laisser un brin rêveur, interrogatif ou peut être même, sceptique : et si le prochain Prix Goncourt était d’ores et déjà un auteur publié sur Lulu.com ? Et si l’embryon du texte qui lui vaudra les honneurs de l’Académie se trouvait déjà parmi les centaines de références de langue française du site ? D’une manière plus générale, il y a de très grandes possibilités pour que les prochains lauréats du Prix Goncourt soient en train à ce moment même d’aligner les mots sur la toile, taillant patiemment leurs phrases comme un apprenti ébéniste apprend à travailler le bois. Ils se confrontent déjà à la critique des internautes de tous poils, s’abreuvant au miel et au fiel de leurs pairs, ravis parfois à l’excès de donner leur avis sur tout.
De nombreux écrivains reconnus tiennent aujourd’hui un blog, comme Pierre Assouline ou Alain Mabanckou, on entend ici et là des histoires de blogueurs contactés par des éditeurs de renom pour réaliser un livre compilant leurs meilleures pensées, éditeurs, publicitaires, entreprises font assaut d’amabilité auprès de certaines plumes pour s’attirer leurs bonnes grâces, un mot favorable du prince valant cent mots d’un obscur manant. Dans quelle mesure l’internet influe sur leur pensée et leur écriture ? Chaque post de Pierre Assouline donne lieu à des empoignades énergiques, chacun de ses mots est scruté, pesé, corrigé même parfois dans des dizaines de commentaires. Comment cet auteur reconnu apprécie t-il ce dialogue inédit pour lui ?
Il existe sur internet une réelle mobilisation autour de la littérature. La toile rend plus accessible des parcours et expériences littéraires autrefois réservés à des initiés. Mieux, elle ouvre de nouvelles perspectives en matière de dialogue, d’associations artistiques (une vidéo peut souligner un texte qui peut souligner une chanson ou une photo) et, de fait, fournit de nouvelles perspectives à la création.
Sur Lulu.com, des synergies se sont créées autour de thématiques et de genres, autour d’intérêts et d’envies réciproques. Des rencontres donnent lieu à des créations. Des amitiés ou des inimitiés naissent au fil des pages, des œuvres et des réactions sur les forums. Les créateurs associent leurs talents, échangent leurs vues, leurs regards, se critiquent. Cette émulation a comme point commun avec les groupes littéraires enseignés à l’Université une même motivation : s’approprier les outils de son temps pour contribuer à l’accomplissement littéraire d’une langue, d’une époque et d’une région du monde. Ni plus ni moins.
La question finale restera ici : de quelle manière les œuvres de l’un ou l’autre de ces auteurs « numériques », de l’un ou l’autre de ces groupes dynamiques, atteindra le grand public comme leurs prédécesseurs ? L’histoire est en cours d’écriture !
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